du p'tit Grain de Folie

du p'tit Grain de Folie Whippet

Whippet

LA MISE-BAS * RECIT *

Pour une femme, on parle d'accouchement.


Pour une chienne, on parle de mise-bas. Mais on peut dire aussi le mot : accouchement.



En caressant pensivement le ventre de ma chienne Frégate, à 35 jours de gestation, j'ai revécu les mises-bas de mes chiennes reproductrices et les images ainsi qu'un flot d'émotions intenses sont venus m'assaillir. J'ai décidé alors de coucher sur le papier ces moments uniques, rares et si forts pour les partager et rendre hommage à la vie, à mes chiennes si fabuleuses et formidables qui me donnent tant de bonheur.


 


Arrivée au terme de sa gestation, la chienne devient nerveuse. 5  jours avant la date présumée de la mise bas, je vais donner à Frégate des ampoules de Cervicyl. C'est un "médicament" à base de plantes qui va aider à la dilatation du col de l'utérus. Puis, pendant 24 h après la mise bas, je lui donnerai du Wombyl qui favorisera les contractions pour nettoyer l'utérus.


Donc, quelques jours avant la mise bas, la chienne fait des nids un peu partout dans la maison. Elle commence à ressentir les premières contractions et cela la rend nerveuse. La veille de la mise bas, les bb "tombent" littéralement en bas du ventre. Ils se mettent en place, prêts pour le grand saut. Les flancs se creusent, le dos semble "cassé".


Les tétines se gorgent de lait ou pas. Sur certaines chiennes, c'est le passage du premier chiot qui déclenchera la lactation. Il faudra être très vigilent là-dessus et avoir, au cas où du lait maternisé et des biberons au cas où la lactation n'arrive pas assez vite.


Quelques heures avant la mise bas, la chienne demande à sortir toutes les 5 minutes, comme si elle ressentait le besoin d'évacuer. En faisant pipi, elle perdra le bouchon muqueux, signe du commencement du travail.


 


Elle va alors alterner périodes de repos et périodes de stress. Ces périodes peuvent être d'une durée variable. Puis elle va haleter : le travail se précise. Les contractions deviennent de plus en plus rapprochées et intenses. Il est temps de placer Frégate dans la caisse de mise-bas préparée.


 


Une semaine avant "la mise à feu", je prépare la maternité : la caisse de mise-bas est en place dans ma salle de bains où le degré d'hygrométrie est parfait pour les bébés. Mon fils Stéphane a réalisé une superbe potence où la lampe à infra rouge, essentielle à la vie des chiots sera fixée, avec un minuteur qui règlera la durée des périodes à chauffer. Sur le meuble sont installés : les compresses, les ciseaux, clamps, Bétadine, gel, gants, balance, serviettes, fiches, stylos et autres choses nécessaires à la mise-bas. Dans la caisse, un drybed, des draps qui ne craignent pas d'être bouillis ensuite lorsqu'ils partiront à la machine, juste après la naissance des petits. A coté de la caisse : un panier d'osier douillet où sera posée une bouillotte, je vous expliquerai pourquoi plus tard. Et, bien entendu, des produits pour booster Frégate et la rassurer, comme du traumasédyl qui est un cocktail homéopathique lui évitant de souffrir, de l'orocal pour un apport en calcium et une réserve de steack haché dans le frigo, une gamelle d'eau à proximité de la caisse, sur un petit tabouret de bois.



- Je reviens un instant sur la lampe à infra rouge. Si elle est essentielle à la vie des chiots c'est parce que, ceux-ci, à la naissance ne régulent pas encore leur température et s'ils se refroidissent, leur mère n'y apportera plus d'attention, et les bébés mourront. Pendant 15 jours environ (selon la saison), la lampe à infra rouge leur apportera une chaleur constante jusqu'à ce qu'ils soient capables de réguler eux-mêmes leur température. -


 


Lorsque les grosses contractions arrivent, certaines chiennes veulent accoucher debout, d'autres se couchent et regardent l'endroit où cela se passe... Corail, lors des périodes de contractions douloureuses, gratte avec ardeur les linges et déchire avec ses dents, elle stresse beaucoup. Ceorgues, quant à elle, se met debout, pousse et cale sa tête sur mon épaule. Dans tous les cas, elles veulent sortir dehors, pensent qu'elles ont quelque chose à évacuer. Nous les rassurons en leur parlant doucement, en les encourageant, ne perdant jamais notre sang froid, et il en faudra!


 


Peu à peu, la vulve va se dilater. Progressivement, on voit apparaitre une "boule" qui, à la faveur d'une grosse contraction va se présenter à la commissure de la vulve. Rien n'est encore fait. Il peut s'écouler encore pas mal de temps avant que le bébé n'arrive. Les contractions aidant, la bulle commence à sortir, lentement. Le bébé apparait alors dans la transparence de cette bulle dans laquelle il baigne. C'est absolument magnifique. On peut voir si le petit se présente par le siège ou la tête la première. Parfois, la bulle éclate, la tête pend, la petite langue aussi, c'est impressionnant. Comme le reste du corps n'est pas encore sorti, il faudra coincer entre deux doigts cette petite tête afin qu'elle ne rentre pas entre deux contractions, et éviter ainsi au bb de s'étouffer et aider la maman lors d'une poussée, en tirant légèrement vers le bas pour aider à évacuer ce petit.


Si la bulle ne s'est pas percée, lorsque le petit tombe sur le linge, la maman s'attelle avec ardeur à déchirer cette poche pour libérer son petit. Elle coupe le cordon, lèche son bébé avec énergie et même si l'on trouve cela un peu trop brutal, il faut laisser faire parce que ce  n'est pas de la brutalité, elle sait qu'il faut faire vite, ne pas laisser son petit inerte et le réchauffer au plus vite; Elle n'a pas lu de livre la chienne, elle n'a rien étudié du tout et pourtant elle sait qu'elle a 2 minutes pour crever la bulle, retirer les mucosités des orifices de son bébé et couper son cordon. Moi, je suis là pour aider. Une primipare peut avoir peur de ce qui sort de son corps, par inadvertance et dans le pire des scénarios, elle peut vouloir tout ingérer, faire disparaitre, comme si elle avait fait une bétise, alors, elle peut manger son bb. N'y voyez pas là un acte de cruauté mais plutôt une peur d'avoir commis une grosse bétise. Mais cela n'arrive pas si l'on veille sur sa chienne. La plupart du temps, elle perce la poche, l'avale, et mange aussi le placenta qui suivra après le bb. La laisser ingérer le placenta est très bon. Cela lui permet de faire du lait. Mais je ne lui laisserai pas tout manger car elle peut avoir une grosse diarrhée ensuite. Donc, ce sera "avec modération". Pour aider au mieux ma chienne, je perce la poche avec son aide, je retire le bébé pendant que maman mange placenta et poche, à l'aide d'un mouche bébé, j'évacue les mucosités et place le nouveau-né dans une serviette chaude, le masse énergiquement comme le fait sa maman, le sèche vite, sous les yeux attentifs de maman qui veut que je lui rende son petit. Je vérifie qu'il n'y ait pas de fente palatine, je vérifie que bébé est bien normal, je clampe et recoupe proprement le cordon que maman a rompu avec ses dents, je le tamponne à la bétadine et je donne les premières indications à Pierre, mon mari qui m'assiste avec plaisir dans cette merveilleuse aventure. Pierre note sur une fiche : l'heure du début de la mise bas, l'heure de naissance du chiot, sa couleur, son sexe, si le placenta est bien sorti (c'est très important). Ensuite, je lui passe le bébé. Pierre va le peser, le photographie vite fait pour identification de sa fiche et lui fait un premier bisou, il me le repasse très vite car maman s'inquiète. Je place alors le bébé dans les pattes de sa mère qui va le lécher et lui montrer le chemin de la mamelle car il faut vite que bb tête pour se réchauffer. Par réflexe, il va ouvrir sa minuscule petite gueule et maman va le pousser jusqu'à ses tétines.



- Compter les placenta qui arrivent à chaque naissance est en effet très important. Car, un placenta ne tombe pas forcément après la sortie d'un petit, mais peut arriver à la fin de la mise-bas. Et si vous n'avez pas compté les placenta et qu'il en reste un dans l'utérus de la chienne, cela peut conduire à un grave incident,  une grosse fièvre, une infection de l'utérus, mettant en péril la vie de la chienne et de toute sa portée. A la fin d'une mise-bas, je sors la maman et masse le ventre, y apportant des pressions qui vont finir d'évacuer les derniers vestiges de l'accouchement et faire tomber un placenta un peu trop "accroché". -


 


Lorsque les contractions reprennent, je place le nouveau né dans le panier, sur une bouillotte toute douce car la maman va bouger, se tourner, gratter, redevenir inquiète et pourrait piétiner son bébé. D'où l'intérêt du panier et de la bouillotte.


 


Lorsque toute la portée est née, la maman est sortie pour ses besoins, douchée et je change vite fait la caisse de mise bas. Tout est déjà prêt. Nouveau drybed, plaid tout doux et je replace vite fait maman et marmaille bien au chaud sous la lampe.


 


Une mise bas peut durer 4h et même beaucoup plus : 6h, 8h, voire plus encore.


 



J'aime tellement ces moments où l'on aperçoit ce petit être dans la bulle, qui pointe le bout de son nez et on devine  la couleur. On ouvre cette poche qui semble si fragile et qui est si résistante pourtant et là, on voit le tout petit bébé qui prend son premier souffle, sa maman qui le découvre... rien que d'y penser, j'en ai les larmes aux yeux et des frissons.


 


Ils sont encore tout mouillés, je les regarde sous toutes les coutures.... Un moment formidable qui nous tient en haleine. Un moment qui n'appartient qu'à nous et que j'adore. Et puis, voir la maman qui les couve, les protège, les nourrit, c'est vraiment très émouvant. Moi, je fonds à chaque fois. C'est tellement beau d'assister à une mise bas. Et puis, je me souviens d'avoir eu à déplacer un bb avec mes doigts, pour le faire passer, je me souviens d'avoir aider à faire sortir un autre en tirant comme j'ai vu faire dans les livres, je me dit que je suis utile pour la maman. J'ai du pratiquer la réanimation sur un qui n'arrivait pas à se réveiller. Etre avec ma chienne quand elle souffre pour mettre au monde ses petits, la rassurer quand elle essaie de déchirer les linges.. Elle me regarde droit dans les yeux, on sent passer tout un courant d'émotions entre nous.

 
J'aime ce moment d'attente avant la première naissance. Le travail commence alors et peut durer longtemps. Mon mari est toujours avec moi. Nous nous efforçons de rassurer notre chienne, nous discutons, nous buvons un thé, sommes attentifs et tendus.


Nous comptons les contractions, sommes prêts à enfiler nos gants et aider au mieux la maman



Je me souviens aussi de moments d'angoisse où un petit qui vient de naître reste inanimé au sortir de sa bulle. Il git, sa maman le lèche, j'enlève vite les mucosités et mon coeur se serre alors : il est plus petit que les autres. Pourquoi ne bouge t'il pas. Son petit thorax ne prend pas la première respiration. Je puise de la force et un peu d'espoir, non, beaucoup d'espoir dans le regard de mon mari. Vite, je le prends et le pose sur la serviette, je le secoue prudemment, le réchauffe en le frictionnant mais il ne bouge toujours pas, la petite gueule ne s'ouvre pas. Alors, d'un doigt, je pratique un massage cardiaque, je souffle dans sa gueule et recommence. Il est dans ma main. Je le penche, la tête vers le bas et le frictionne. Et là,... le miracle se produit : il se crispe, ouvre sa toute petite gueule et prend sa première inspiration. Il n'est encore pas tiré d'affaire pour autant, je le passe vite à mon mari qui va noter son poids, tout petit. Une fois bien sec nous le mettons vite à la plus grosse mamelle, il est encore tout faible, ses membres sont translucides, il ne semble pas vouloir têter. Je vais alors mettre toute mon énergie à le sauver, le faire vivre. Toute la nuit je le mettrai à la grosse mamelle et lorsqu'il arrivera à s'accrocher à la tétine de sa maman, mon coeur battra alors très fort, les larmes couleront enfin, la victoire est là. C'est un battant ce petit là. Il s'appellera : Invictus (invaincu). Elle s'appellera : Haîti (pour conjurer le sort).. Et ils vivront, ils deviendront de merveilleux Whippet eux aussi. Ils auront eu un peu de mal au départ, mais je suis là, pour vous aider mes petits amours. Je ne vous laisse pas tomber.


 


Je ressors toujours épuisée d'une mise-bas. Le stress, l'anxiété, l'angoisse, tout est là. Quand la tension redescend, je me sens alors..... vidée! lavée! mais tellement, tellement heureuse. Je n'irai pas me reposer. Je vais encore rester près de ces petites merveilles, à les contempler, à veiller que tout le monde boit le bon colustrum de maman et que la nouvelle maman s'en sort bien, n'écrase pas ses petits en se positionnant. Et puis, je vais m'occuper à faire manger cette nouvelle maman qui a bien besoin de reprendre des forces et la voir ensuite s'endormir un peu, le nez sur sa couvée, pour les protéger. Les autres chiennes sont pendues à la barrière, personne n'a le droit d'entrer. La maman n'acceptera aucune chienne pendant des jours et des jours.


 


Voilà pourquoi j'aime l'élevage. Parce que ce sont des moments privilégiés que nous vivons avec nos animaux, des moments uniques et si forts qui me font comprendre que toute naissance, quelle qu'elle soit est une chose merveilleuse et qui mérite tout le respect qu'il se doit.


LA MISE-BAS * RECIT *

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